Les chrétiens attentifs à la qualité de l’ère moderne ne peuvent échapper à l’obligation d’évaluer l’esprit de la révolution. Et lorsqu’ils examinent les structures de la révolution, ils sont susceptibles de ressentir une étrange fascination pour le mouvement révolutionnaire. Les révolutionnaires ont longtemps revendiqué Jésus de Nazareth comme l’un de leurs camarades et ont insisté sur le fait que sa signification contemporaine se trouve dans les aspects « révolutionnaires » de son message et de sa vie. Et les chrétiens ne peuvent s’empêcher de remarquer aussi qu’il y a des similitudes, du moins sur le plan formel, entre le style de vie révolutionnaire et celui des chrétiens pendant les premières décennies après la Pentecôte.
À un niveau plus profond, de plus en plus de chrétiens, en particulier les jeunes, développent des sensibilités authentiquement bibliques qui les rendent extrêmement mal à l’aise avec les mêmes maux qui ont poussé les révolutionnaires à rejeter l’establishment. L’injustice raciale, l’ambiguïté hideuse des conflits contemporains et les carences des systèmes économiques dominants génèrent chez de nombreux chrétiens aujourd’hui un désenchantement extrême face à la situation actuelle. Ceux qui n’ont aucun intérêt direct au statu quo peuvent facilement développer des attitudes quasi révolutionnaires.
Il y a en effet une coïncidence entre les préoccupations révolutionnaires et les intérêts véritablement chrétiens. D’une part, la révolution répudie la tyrannie de la technocratie, et à cet égard, il y a beaucoup dans l’analyse d’Herbert Marcuse des besoins « vrais et faux » avec lesquels de nombreux chrétiens seront d’accord (One Dimensional Man, Beacon, 1969, p. 5). Sur le plan politique, la révolution est cynique; elle considère les événements politiques actuels comme largement illusoires. Les révolutionnaires estiment que peu de problèmes réels sont rencontrés et pratiquement aucun changement vraiment significatif n’est introduit…