Encyclopédie Mondiale des Arts de la Marionnette

Ce pays insulaire de l’Océan Indien au large des côtes du Sud-Est de l’Afrique, officiellement la République de Madagascar (en malgache : Repoblikan’i Madagasikara ; en français : République de Madagascar) comprend de nombreuses petites îles ainsi que la grande île de Madagascar. Il y a plus de dix-huit sous-groupes ethniques malgaches; le Merina des hautes terres centrales est le plus grand. Les croyances traditionnelles et le christianisme ou un amalgame des deux sont pratiqués par la majorité de la population de Madagascar.

Le théâtre de marionnettes de Madagascar reste largement inexploré, mais son existence ne fait plus de doute. En 1988, Jean Victor Rajosoa écrivait :  » La marionnette n’est pas nouvelle dans le pays. Il existait et avait sa propre forme dans la culture traditionnelle du peuple malgache. » Longtemps considéré comme une forme d’expression artistique importée par les Européens, plusieurs rapports confirment aujourd’hui qu’il existe des racines autochtones sur la Grande Île. Certaines légendes malgaches rapportent que le vieux prophète, Rabemanana, savait créer et animer des objets. Au Musée Gadagne à Lyon, en France, il y a un couple de marionnettes des Betsileo (une ethnie de Madagascar) représentant le bûcheron Bara et sa femme, reconnaissables aux morceaux dans leurs coiffures. À Budapest, le Néprajzi Múzeum possède quatre marionnettes malgaches, achetées en 1900 à l’Exposition Universelle de Paris. Ceux-ci sont faits de bois et de tissu, décorés de cuir, de boutons et de perles, trois d’entre eux portant une coiffure Merina (personnes de l’Imerina, hautes terres centrales), et le quatrième un style Betsimisaraka (les Betsimisaraka sont le deuxième plus grand groupe ethnique de Madagascar après les Merina).

Jeux d’enfants

En 1965-1966, lors d’une tournée pédagogique, Guy Cagniant a constaté que les enfants de la forêt malgache, qui abrite les peuples Betsimisaraka, Tanala et Zafimaniry, connaissaient les marionnettes qui constituaient une sorte de marotte. Certaines étaient stylisées, faites de deux morceaux de bambou avec une tête en argile, vêtues de paille pour les femmes. D’autres, plus élaborés, avaient une tête en bois sculptée traditionnelle (un style proche de la sculpture Zafimaniry), et sont vêtus de tissus tirés de vieux vêtements. Les traits de caractère sont bien définis, et ceux représentant les Européens sont reconnaissables à leurs casques coloniaux ou à leur tenue militaire.

Certains spécialistes considèrent l’ancien jeu de « tomaboho » (« kindriandriana » en langue Merina) comme un théâtre de marionnettes naissant. Le jeu a été conçu pour enseigner aux enfants un discours et un comportement polis. Au début, ce jeu était composé de graines rondes représentant des femmes (vavy) et de bâtons de bois représentant des hommes (lahy). Par la suite, ces matériaux ont été remplacés par des marbres et des bâtons de verre colorés. Un ensemble serait dessiné au sol représentant un village traditionnel. On pouvait jouer seul, ou avec d’autres. Chaque enfant, animant l’un de ses tomaboho, le ferait parler et agir en accord avec les normes de bon comportement actuelles. Selon Louis Mollet,  » rien n’était plus agréable pour les personnes âgées assises contre le mur que d’écouter les petits enfants répéter leurs enseignements en utilisant les bonnes formules acceptées « .

Les enfants avaient également d’autres jouets étroitement liés aux marionnettes, tels que des oiseaux sculptés avec des têtes, des ailes ou des queues en mouvement ou qui pouvaient picorer, animés par une sorte de pendule. Les jouets articulés de forme humaine, tels que les poupées, étaient traités comme des personnes réelles (portés, bercés, peignés, etc.) mais étaient réservés aux filles, car il y avait un dicton selon lequel si un garçon jouait avec ce type de jouets, il mourrait jeune.

Cérémonies et performances

En effet, dans le monde sacré très développé de Madagascar, la cérémonie de « retournement du cadavre » est considérée comme une « performance ». Le cadavre est retiré de sa tombe, le linceul est changé et le corps est fait danser dans une procession avec des tambours et des flûtes de bambou. Bien que l’animation des reliques ne puisse être totalement comparée à celle des marionnettes au sens strict, elle est similaire. La technique utilisée pour mettre en mouvement et donner  » vie  » à un corps inerte (poupée, statue, cadavre, objet) est à la base de l’art du théâtre de marionnettes.

Bien que les Malgaches soient connus pour leur dextérité manuelle et leur sensibilité artistique, selon Raymond Decary (1951), les poupées traditionnelles appelées kiolona sont rares. Il existe cependant de nombreuses figures créées récemment, représentant les origines ethniques, les fonctions et les métiers du peuple malgache. Véritables saints séculiers, ces statues sont disposées en groupements suggérant une sorte de crèche.

Enfin, dans sa description de la maison du sculpteur Édouard Rajoana en 1997, Jean-Loup Pivin remarque :  » Au premier étage, il y a des rangées de sièges autour du lit conjugal afin de pouvoir présenter des spectacles de marionnettes, ou simplement des spectacles, pour les enfants « . Cette présence d’un espace réservé au  » guignol  » témoigne de l’espace qu’il occupe dans l’univers du théâtre malgache.

Bibliographie

  • Darkowska-Nidzgorski, Olenka et Denis Nidzgorski. Marionnettes et masques au cœur du théâtre africain. Saint-Maur: Institut international de la marionnette/Éditions Sépia, 1998.
  • Décary, Raymond. Mœurs et coutumes malgaches . Paris: Payot, 1951.
  • Férey, Catherine, and Simone Blazy. Marionnettes. Collections du musée Gadagne, Lyon. Lyon: Le Tout-Lyon, Emcc, 2000.
  • Fouchet, Max-Pol. Les Peuples nus . Paris: Buchet-Chastel, 1981.
  • Mollet, Louis. « Politesse malgache et jeux d’enfants » . Revue de Madagascar. No. 35, 1966.
  • Pivin, Jean-Loup. « Édouard Rajoana, sculpteur: la maison dans un jardin de nuage » . Revue noire. No. 26, 1997.
  • Viloteau, Nicole. Les Sorciers de la pleine lune . Paris: J’ai lu, 1991.

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